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Drôles de vœux d'Estuaire et Sillon pour le 1er janvier 2021


« Ce qu’il y a de plus important à étudier dans une société, ce sont ses tas d’ordures » 

(Marcel Mauss, 1872-1950)


Le grand changement à la date du 1er janvier 2021 en Estuaire et Sillon, c'est avant tout la réduction de moitié des passages de la benne, sans pour autant toucher à la grille des tarifs qui reste la même, à un petit détail près. Le reste n'est qu'habillage en vert, avec des éléments de langage dignes d'une promo publicitaire : "La collecte se met au vert" - n'était-ce donc pas le cas avant ? - et "le tri devient un jeu d'enfant" ! Ils nous prennent pour de grands enfants que l'on peut tancer vertement. Décryptage d'un discours éco-technocratique.

Un seul ramassage...
mais tous les 15 jours !

En dernière semaine avant le grand chamboulement du 1er janvier 2021 - la C.C.E.S., intercommunalité d'Estuaire et Sillon, nous fait donc part de nouvelles modalités de ramassage des ordures ménagères, bien réelles, et de soi-disant "nouvelles consignes de tri". Qu'il aurait mieux valu différer d'un semestre, comme nous - le collectif Libérez nos poubelles - l'avons en vain suggéré aux onze maires le 3 décembre.

Vraiment ? Le service déchets, sous le coaching de CITEO, nous pond, en ce sens,  des consignes de tri en forme d'usine à gaz à effets... de prise de tête. Il s'agit pour eux de trouver des arguments de dernière ligne droite pour sur-occulter le recul des passages de bennes, fussent-elles désormais "bi-compartimentées", d'une semaine à une quinzaine. Une réduction d'ailleurs dérogatoire au droit communal commun (CGCL, L.2224-24). Nous avons aussi posé cette question : quand et en quels termes une telle dérogation a-t-elle été demandée au préfet... si c’est bien le cas ? Sans davantage de réponse.

Un premier argument consiste à souligner que ce n’est là que la conséquence de ce que nous faisons de nous-mêmes, à "l'insu de notre plein gré" en quelque sorte. Or, nos efforts bien réels de tri remontent à loin, plus de dix ans au moins, avant même l'instauration de la redevance dite "incitative" en 2014. Tant mieux : nous étions donc "écoresponsables" avant qu’on nous le suggère, dans le cadre d'une citoyenneté locale déjà bien comprise et assez générale.

Quant au "tri sélectif" (pléonasme! Tout tri est forcément "sélectif"), le discours officiel annonce ensuite ceci : " au 1er janvier 2021, le tri des emballages sera également simplifié en ouvrant le sac jaune à tous les emballages en plastique, réduisant ainsi les quantités d'ordures ménagères mis [sic] à la collecte" (courrier du 2 novembre 2020). Or, c'est absurde, où est vraiment le gain ? Car s'il s'agit seulement de basculer certains déchets du sac gris/noir des OM (ordures ménagères), au sac jaune des petits emballages, y compris désormais en plastique, pour qu'ils se retrouvent finalement ensemble seulement séparés par une paroi des compartiments distincts de la même benne, où est la différence, et la réduction en terme de volume total ?  

On ne voit pas en quoi cela peut justifier la division par deux des passages de cette benne. Car le volume global reste ainsi rigoureusement le même, par le simple jeu du vase communicant du sac gris au sac jaune, et n'aura donc pas été divisé par deux par un coup de baguette magique, ou un miracle de la Saint-Sylvestre. Si elle est possible, une telle évolution ne peut-être que de long terme, et non pas "à l'arrache",  en dernière minute.

Messe basse sans curé

Mais puisqu'il s’agit de le justifier à tout prix - autre argument - ce ne serait que la conséquence de nos "bonnes pratiques" déjà acquises. Qu'il nous faudrait juste pousser un peu plus loin, une tâche qui n'incombe bien sûr qu'à nous-mêmes. La collectivité ne se montre d'ailleurs pas chiche de conseils en ce sens, en s'immisçant dans notre quotidien pour peser, sans aucune distanciation sociale, sur le redressement de nos mauvaises habitudes de consommation : "limiter le gaspillage, consommer des fruits et légumes de saison, acheter "local" et consommer "durable", trier et composter les déchets, réutiliser, donner ou réparer plutôt que jeter, etc." Un pieux sermon digne du Curé de Cucugnan , qui rameute ses ouailles au dernier quart d'heure de l'année, par une obscure embrouille au sujet d'un soi-disant "trésor caché" (A.Daudet, 1869)

Et qui ne coûte rien à la C.C.E.S. et à ses services, sauf des mots pour le dire. Tout en se voulant délibérément culpabilisant afin de renvoyer la balle dans le seul camp de "l'usager-redevable". Et en s'exonérant  elle-même de ses propres devoirs de collectivité, excusant au passage le recul de moitié qu'elle opère au même moment dans le rendu d'un service public de proximité dont elle a hérité des communes. Et qu'elle reste censée nous devoir au moins aussi convenablement, ce qui n'est plus le cas,  alors qu'elle nous le fait payer bien plus cher.

Effet de serre... tête

Tout ce réquisitoire à l'encontre du citoyen, pour finalement, en appeler à une éco-responsabilité partagée : "ensemble, réduisons le volume de déchets à traiter et l'émission de gaz à effet de serre !" (souligné en gras, idem). Eh bien, puisqu'on en parle : on attend avec curiosité un "bilan carbone" comparé entre le passage d'une seule benne et celui des trajets de centaines de voitures pour aller faire, les semaines orphelines de benne, des "dépôts volontaires" aux PAV, points d'apport volontaire des OMs ("ordures ménagères résiduelles"), à 1,5 € la passe de 50 L.) en centre ville ou bourg . Les "nouvelles consignes de tri" ne sont donc pas si neuves, mais elles sont utilisées ici comme la variable d'ajustement pesant sur le seul "usager-redevable", pour encaisser le produit budgétaire d'une diminution drastique du passage des bennes.


Mémo 2021 : usine à gaz à effet de prise de tête

Facteurs fragiles du tri

Pourtant, le peu d'études à ce sujet - hors propagande intensive de l'ADEME et marketing tout en vert de l'officine spécialisée CITEO - montrent que de bons résultats du tri sont fragiles et dépendent étroitement d'un petit nombre de facteurs qui ne distinguent guère entre-eux les "trieurs convaincus", les "trieurs occasionnels" et les "non-trieurs". Ce sont : 1) le temps disponible et passé au tri; 2) les facteurs d'espace (domestique) et de distance (aux PAV, points de dépôt volontaire : déchetterie ou conteneurs des centres); et 3) les effets financiers attendus sur la facture, et moins distinctement, 4) la plus ou moins grande conviction idéologique éco-citoyenne (cf. note*). La stratégie étant ici de privilégier le quatrième,  pour tenter de minimiser les trois premiers.

Grand bazar des hôtels de ville

Or, à partir du 1er janvier dans la C.C.E.S, les trois principaux facteurs - temps, espace, facture - vont être directement impactés par les "nouvelles modalités" de la collecte. Au risque de mettre en cause les résultats corrects acquis depuis longtemps du tri dans la collectivité. Ces changements, essentiellement motivés par des considérations budgétaires (l'équilibre d'un "budget annexe" pourtant nettement et régulièrement excédentaire depuis des années, à environ 200 à 300.000 € par an) pourraient donc s'avérer, à l'inverse, contre-productifs en allant à l'encontre de l'objectif recherché et prétendument justifié. La multiplication des dépôts sauvages en sera-t-elle un signe immédiatement visible ? Alors que l'instauration des sacs jaunes avait nettement diminué les dépôts "incivils" (ainsi "vils") aux éco-points, toutes les conditions sont recréées pour qu'ils reprennent derechef autour PAVs (points d'apport volontaire). Dans l'immédiat, à 6 jours de l'échéance on ne trouve aucune trace de ces PAV, ni dans le paysage communal, ni sur les cartes "interactives" du site de la communauté de communes.

La suite nous le dira, mais nécessitera dans les semaines et les mois qui viennent une vigilance accrue et une transparence qui n'existe toujours pas à ce jour dans la gestion des déchets en Estuaire et Sillon.

* Note : Dupré, M. (2013). “Représentations sociales du tri sélectif et des déchets en fonction des pratiques de tri”. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, numéro 98(2), 173-209. https://doi.org/10.3917/cips.098.0173



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