Conte retrouvé dans un vieux grimoire.
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Photo : 1913, source BNF |
Il était une fois, dans une seigneurie où les ordures ménagères s'accumulaient, un souverain seigneur qui entreprit de modifier le système de collecte. Il décida que ses sujets devaient trier leurs déchets en sacs jaunes et en sacs noirs. Il obtint de son suzerain ducal que les sacs jaunes, gorgés de trésors recyclables, seraient désormais collectés comme les autres tous les quinze jours, alors qu'auparavant, ils étaient ramassés chaque semaine.
Pour mener à bien cette réforme, le seigneur fit donc l'acquisition de charrettes déjà anciennes à deux compartiments, l'un pour les sacs jaunes, l'autre pour les sacs noirs. Ces charrettes, conçues par les plus grands savants du royaume, à l'école de l'ADEME, étaient censées réduire les trajets et alléger les coûts. Pourtant, dès les premières collectes, il apparut que la noria des charrettes s'avérait peu efficace.
En effet, les sujets du fief, obéissants mais pas si naïfs, s'empressèrent de remplir leurs sacs jaunes avec une ardeur nouvelle. Les charrettes, elles, n'avaient pas été conçues pour une telle avalanche de déchets recyclables. Le compartiment jaune se remplissait à vue d'œil, tandis que celui réservé aux ordures ménagères restait presque vide. Les charretiers, débordés et excédés, étaient péniblement contraints de faire et refaire moult fois, tels des Sisyphes à la peine, le chemin entre le château et son quai de décharge.
Les charrettes, déjà usagées à l'achat, tombaient en panne régulièrement, leurs roues grinçaient et leurs essieux craquaient. Les sujets, privés du passage régulier des charrettes, croulaient face à des montagnes d'ordures qui s'accumulaient dans les ruelles de la cité. Le domaine, autrefois si propre, commençait gravement à empester.
Devant cette situation désastreuse, le seigneur fit donc appel à un sorcier, un certain Veolia, réputé dans tout le royaume pour ses pouvoirs occultes en matière de charroi des déchets. Ce sorcier, enchanté par la perspective d'une nouvelle aubaine, accepta de prêter main-forte au seigneur. Mais ses éminents services, il faut bien le dire, étaient plus qu'onéreux. Les sujets, déjà mis à contribution pour financer les charrettes, durent alors à nouveau délier leurs bourses.
Et ainsi, le fief vécut heureux... enfin, presque. Car les sujets, lassés des édits de ses dirigeants ainsi que des tas et odeurs nauséabondes qui envahissaient les rues, commencèrent à douter quelque peu de la sagesse du souverain et de ses affidés. Certains murmuraient même que seigneur et sorcier pourraient bien être de mèche pour les plumer. Mais le seigneur, resta sourd à leurs plaintes, et poursuivit ses réformes calamiteuses, toujours persuadé d'agir pour le bien supérieur de son domaine. Pour les manants et les gueux, une bien coûteuse et trompeuse sorcellerie.
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