Eau et Déchets : un même schéma à vau l'eau pour deux services publics

Bref "Dossier Eau", bien documenté, dans Marianne de cette semaine. Le titre en Une est de mauvaise augure : Pourquoi vous allez payer plus cher ? II céde d'emblée aux postulats climatiques (sécheresses, rareté) à horizon 2050, voire 2100. Mais son contenu, accessible largement en lecture en ligne à l'adresse : Marianne, est cependant intéressant. Qu'en tirer ? Qu'il y a de grandes similitudes structurelles entre le dossier eau et celui des déchets. Deux compétences dévolues désormais non pas aux communes, mais aux intercommunalités.

Avec d'abord, 1er point commun, l'explosion des factures ! "Nous casquons davantage, et ce n'est pas fini". Selon le Sispea, le prix de l'eau facturée aux Français a crû de 23% entre 2010 et 2022, soit plus que l'inflation (18%), alors que celui de l'eau potable n'a augmenté que de 14%. Tout comme pour les déchets, la différence vient d'abord des coûts des "mises aux normes" (directives européennes, transcrites dans la loi française), et ensuite de ceux de leur traitement.
Essentiellement cela vient de l'explosion des coûts d'électricité pour le pompage de l'eau, comme pour le traitement (enfouissement, incinération, recyclage) des déchets.
D'après la fédération nationale des collectivités concédantes et régie SNCCR, un tiers des 10.526 organes de gestion de l'eau en France ont augmenté leur tarifs de 5 à 50 % en 2023. Selon notre propre étude fin 2023, la plupart des intercommunalités en "redevance incitative" (RI) ont voté une augmentation des tarifs de 5 à 25% pour 2024.

Deuxième point commun : le recours à la redevance dite "incitative" pour les déchets, et à une "tarification progressive" pour l'eau.

Selon deux principes : "l'eau paye l'eau", et les budgets annexes déchets doivent être "votés à l'équilibre". Or, dans les deux cas, les consommations et usages stagnent. Pour l'eau, depuis 2009, nous en sommes toujours à 150 l. environ par personne et par jour. S'agissant des déchets, toutes les statistiques internationales (OCDE, Eurostat) et nationales (ADEME) montrent une grande stabilité également.

Solution ? Pour percevoir plus, il faut changer les tarifs des rédevances ! Mais souligne Marianne, "tout reposera donc sur les données de consommation problème : de nombreux gestionnaires d'eau confient en privé que l'on peut déclarer ce qu'on veut auprès des agences en entrant n'importe quoi sur le serveur dédié. Le ministère de l'écologie admet que les données manquent, qu'elles sont peu accessibles pas toujours communiquées ou qu'elles se perdent ". 

S'agissant localement des déchets, ni la communauté de Communes d'estuaire et sillon, ni le SMCNA, syndicat mixte centre nord atlantique, ne communiquent leurs données au site dédié de l'ADEME , sinoe.org. D'où, également, l'obsolescence des données dans les rapports annuels de l'ADEME, "Déchets Chiffres clés". Comment prévoir l'avenir, quand on cerne si mal le présent ?

3e. Point : Les tarifications, incitative ou progressive, fausses bonnes idées ?

Selon Marianne, les spécialistes interrogés estiment que l'eau, en France, est à son juste prix. "Et après tout, dans une société de marché, ce qui a de la valeur doit coûter. Or l'eau n'apparaît qu'à hauteur de 1 % dans le budget des ménages."
D'où l'idée d'une tarification différenciée. La "tarification progressive" est à la mode aujourd'hui pour l'eau, après que la "tarification incitative" l'a été, il y a une quinzaine d'années, pour les déchets. Surtout dans la France périurbaine, mais pas dans les métropoles, restant à la TEOM (taxe d'enlèvement des ordures ménagères).

Dans un avis rendu en 2023, le Conseil économique, social et environnemental CESE est pourtant très mitigé : d'après lui, ¨si cette tarification était aussi vertueuse, elle aurait été généralisée. Les expérimentations ont montré qu'une tarification progressive de l'eau pouvait pénaliser les familles nombreuses des premières catégories". Ajoutant, « si dans certaines collectivités on constate une baisse effective de la consommation des particuliers, il est difficile de démontrer que cette baisse résulte exclusivement de cette tarification. Ce n'est pas le cas en particulier à cause de la complexité de sa mise en place."

4éme point : une colère - très platonique - des élus.


Au 1er janvier 2026, la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) aura généralisé à toute la France le transfert de la compétence eau, depuis les communes vers les communautés de communes.

Selon Marianne, de colloques en tables rondes pourtant les élus râlent. Motif : ceux qui ont investi pour réduire les fuites et augmenter la qualité de l'eau ne veulent pas être associés aux voisins qui n'ont rien fichu. Ce qui les obligera collectivement à dépenser beaucoup pour rattraper leur retard, moyennant une hausse des factures. Les bons élèves condamnés à payer pour les mauvais, une injustice de plus "venue d'en haut". D'autant que le transfert des compétences se fait sur des bases administratives et la loi ne tient pas compte des différences.

Le Conseil d'État a interdit de créer un tarif différencié pour compenser. Mais l'idée d'augmenter la partie fixe de la facture d'eau fait son chemin. C'est déjà le cas depuis longtemps. en Estuaire et Sillon pour les factures déchets, avec le prix de l'abonnement ("partie fixe") par rapport à la "partie variable" (les levées et passages en décheterries).

Eau et échets, services publics à l'encan, préparés et offerts ainsi à la privatisation. Suez et Veolia guettent.

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